Les gauches sont-elles définitivement irréconciliables ?
Drôle de question n’est-ce pas ? Surtout venant du Secrétaire national aux élections du Parti socialiste que je suis et qui explique à longueur de temps que, pour réussir la gauche doit se rassembler.
Alors pourquoi la poser ainsi ? Car finalement, le débat est vite réglé : la réponse est non. Point final.
Mais… parce que oui, il y a un mais…
Lundi 30 novembre 2020, dans une interview au Dauphiné Libéré, partagée sur ma page Facebook, je revenais entre autres sur la volonté du Parti Socialiste d’œuvrer au rassemblement de la gauche pour les élections régionales, départementales et présidentielles. Un long plaidoyer sur la nécessité de nous rassembler pour répondre aux crises sociales, écologiques et démocratiques que subissent nos concitoyens et proposer le chemin d’une alternative politique aux électeurs de gauche.
Mardi 1er décembre 2020, au petit matin… j’ouvre mes réseaux sociaux et je découvre avec surprise, une explosion de mes notifications ! Mon appel au rassemblement aurait-il déjà trouvé un écho favorable ? Je vois alors que Jean-Luc MÉLENCHON, double, peut-être même triple candidat à l’élection présidentielle, a partagé en personne mon post Facebook !
Las, il ne s’agissait pas pour Jean-Luc MÉLENCHON de partager le contenu de cet appel au rassemblement de la gauche mais d’exhumer un tract de ma campagne des élections législatives de 2017 où il est inscrit : « Pierre JOUVET, Un député de gauche pour la majorité présidentielle ». Sur la foi de ce tract vieux de près de 4 ans, voilà la preuve infaillible, la marque indélébile que le Parti Socialiste n’est pas de gauche et que je ne serais qu’un opportuniste, dévoré d’ambition, affidé de la République en Marche et à la solde du pouvoir macroniste.
Le poids des mots, le choc des photos !
À l’heure où l’union de la gauche et des écologistes apparait comme un espoir, je veux ici répondre sur le fond pour nous permettre d’aller de l’avant et contribuer à sa réalisation.
Je crois en la vertu de l’humilité. J’ai même toujours pensé qu’elle était le contrepoison de l’orgueil.
Alors oui j’assume que, comme énormément des français de gauche, j’ai pu être sensible aux accents progressistes du candidat MACRON même si, faut-il le préciser, j’ai parrainé et voté pour Benoit HAMON au 1er tour de la présidentielle.
J’assume qu’après le 2ème tour de l’élection présidentielle, j’ai été sensible à la volonté d’Emmanuel MACRON de construire une nouvelle donne politique capable d’écarter durablement la menace du populisme et de l’extrême-droite en France.
C’était une erreur, je me suis trompé.
L’illusion Macroniste a pu apparaitre, pendant un temps, comme une oasis enchantée pour une partie du peuple de gauche. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 45% des électeurs d’Emmanuel MACRON au 1er tour de la présidentielle, et je n’en étais pas, étaient des électeurs de François HOLLANDE en 2012. L’illusion s’estompe aujourd’hui mais il reste 20% d’électeurs de La République en Marche qui se disent aujourd’hui encore de gauche. C’est peu dire que nous avons encore un important travail de conviction à réaliser.
Candidat investi et soutenu par le Parti Socialiste pour les élections législatives, j’avais alors écrit que je pourrais être « un député de gauche dans la majorité présidentielle ». J’avais cependant précisé sur mon programme « je suis socialiste », quand bien des candidats soutenus par le PS n’osaient alors plus prononcer ce mot. J’étais candidat pour défendre les travailleurs qui gagnent entre 800 et 1500€ ; les ruraux qui n’ont plus accès aux services publics ; les retraités qui ont du mal à joindre les deux bouts. Pour agir sur les déserts médicaux avec l’obligation d’installation des médecins dans les zones sous dotées ; pour permettre l’accélération de la transition énergétique ; pour agir pour le renforcement de la prise en compte de la pénibilité…
Mais j’ai aussi écrit que je serais un député « libre » qui voterait contre la suppression de l’ISF ; contre les suppressions de postes dans l’éducation, la santé, la justice, la police ; contre la réforme du code du travail par ordonnances et sans dialogue social ; contre le plafonnement des indemnités prudhommales…
Ai-je changé d’avis ? Non ! Bien au contraire ! Je porte ces valeurs et je les défends au quotidien et sans relâche comme élu local.
Co-président du groupe de gauche au département de la Drôme, j’ai porté le fer face à Patrick LABAUNE, élu LR, qui proposait le rétablissement de la peine de mort et l’interdiction d’accueil des migrants dans la Drôme.
J’ai dénoncé avec vigueur la majorité de droite conservatrice de Marie-Pierre MOUTON qui poursuivait la politique de suppression des éducateurs de la prévention spécialisée lancée par son prédécesseur et pourtant si utiles dans nos quartiers.
Je me suis mobilisé avec force face aux propos de la Députée LR, Emmanuelle ANTHOINE comparant les propos d’Eric ZEMMOUR sur CNews à la liberté d’expression de Charlie Hebdo.
Et que n’ai-je reçu comme fiel venant de la droite dure et de l’extrême-droite quand j’ai répété que la peine de mort n’avait pas sa place dans notre société ou quand j’ai critiqué les provocations du préfet de Police Didier LALLEMENT !
Ainsi, je serais donc, pour certains, malgré mon engagement quotidien, disqualifié ad vitam d’être de gauche. Et par voie de conséquence le parti de JAURÈS, dont j’ai l’honneur d’être porte-parole, serait lui aussi mis au pilori.
Sans doute y a-t-il eu des incompréhensions mutuelles. Des erreurs aussi. Nous en partageons la responsabilité et j’en prends toute ma part.
Mais je veux le redire et l’affirmer haut et fort : je crois aux gauches réconciliables.
Je crois à la nécessité de travailler ensemble et le plus vite possible au rassemblement de la gauche et des écologistes.
Il n’y a que la gauche rassemblée qui peut empêcher l’avènement du populisme et de l’autoritarisme dans notre pays.
Ne nous y trompons pas, cette gauche divisée et en lambeau laisse un boulevard au populisme de Marine Le pen et au néolibéralisme d’Emmanuel MACRON. Cette gauche divisée laisse orphelins des millions de femmes et d’hommes, que nous désespérons. Cette gauche divisée conduira inéluctablement à jeter la gauche aux oubliettes de l’Histoire.
Ensemble nous pouvons amener des réponses innovantes et humanistes qui protègent les Français. N’oublions jamais que les plus grandes conquêtes et avancées sociales été amenées par la gauche rassemblée, tant au niveau national (congés payés, abolition de la peine de mort, RMI, CMU, 35h, mariage pour tous…) qu’au niveau local.
Face à LREM qui a définitivement fait le choix du néolibéralisme et aux Républicains qui font les yeux doux au RN, le moment est décisif. Il y a une grande attente des Français et seule une gauche rassemblée peut y répondre.
Je suis profondément convaincu qu’ensemble nous pouvons dépasser l’horizon des possibles.
Les élections municipales l’ont prouvé : unis, nous gagnons ; divisés nous laissons le champ libre aux forces les plus réactionnaires. Nous pouvons y arriver, la preuve par l’exemple : trois conseillers municipaux et un adjoint LFI siègent à mes côtés au conseil municipal de Saint-Vallier.
Une fois passée l’écume des choses posons-nous donc cette question simple : nos divergences sont-elles plus fortes que nos convergences ? Les enjeux qui sont devant nous (réchauffement climatique, crise sociale, tension dans le pays…) ne sont-ils pas plus forts que nos rancœurs ?
C’est à nous d’écrire cette histoire.
Oui, les gauches sont réconciliables !